Féminisme et vie quotidienne - Comment concilier les deux ?

Je fais ce post pour parler de la place du féminisme dans la vie quotidienne, savoir si d'autres personnes se sentent comme moi, et surtout essayer de s'aider mutuellement.

Bon, alors je ne sais pas trop par où commencer. J'ai 18 ans. Pour vous exposer rapidement mon parcours dans le mouvement féministe, disons que je me suis immédiatement identifiée en tant que telle à partir du moment où j'ai su ce que c'était, aux environs de 13-14 ans sûrement. Mon attachement à ce mouvement est devenu beaucoup plus prononcé avec cette explosion du féminisme libéral sur tumblr (période d'égarement, n'en parlons pas ici).

Et puis, il y a quelques mois, j'ai découvert le féminisme radical. La reconversion a été instantanée et surtout logique ; même si j'adhérais en apparence au "choice feminism", dans le fond je n'y avais jamais cru. Le féminisme radical a mis des mots, des arguments sur ce malaise profond que je ressentais par rapport à la "weaponized feminity", à la prostitution, au porno, et j'en passe.

En quelques mois j'ai lu tellement d'articles, d'essais, de témoignages, vu des reportages.. Plus d'informations que je n'en avais jamais engrangé en de nombreuses années de féminisme libéral.

Et j'ai beaucoup de mal à le gérer.

Il y a cette citation d'Andrea Dworkin que je trouve très juste : "Many women, I think, resist feminism because it is an agony to be fully conscious of the brutal misogyny which permeates culture, society, and all personal relationships".
Je suis de nature hypersensible ; j'ai tendance à essayer de ne rien laisser m'atteindre. Mais là c'est impossible et ça en devient invivable.

La pornographie, par exemple. J'essaye d'avoir des conversations rationnelles avec les gens, de leur faire comprendre. Je donne des statistiques, des témoignages, des études, mais quoi qu'il arrive personne n'écoute. Quoi qu'il arrive, leur plaisir prend le pas sur la souffrance des autres. Vous avez déjà toutes connu ça, j'en suis sûre.

Je n'arrive pas à être impliquée, à m'informer etc sans être submergée par toute la souffrance qu'on inflige aux femmes. Ça a un impact considérable sur ma vie, notamment ma relation amoureuse (avec un homme, évidemment..)
J'ai des crises de panique, des crises de larmes quasi quotidiennes. C'est la première fois que j'en parle à qui que ce soit. Je me permet de confier tout ça ici car je ne pense pas être la seule à ressentir cet espèce de mal être.
Si c'est bien le cas, j'aimerais bien avoir vos expériences, des conseils pour mieux arriver à gérer tout ça si vous en avez. Le fait d'en parler entre nous sera déjà d'une grande aide.

Merci beaucoup d'avoir lu tout ce que j'avais à dire, j'espère avoir été la plus claire possible !

PS: j'espère que personne ne prendra ce post comme une "pleurnicherie", je ne me plains absolument pas de ma vie en tant que telle.

Ne t'inquiètes pas, je ne pense pas que que quelqu'un ici prendra ce post pour une pleurnicherie, ce que tu décris, nous l'avons toutes ressenti à différents degrés.

Je pense que le meilleur conseil que je puisse te donner, c'est de faire des pauses. Je me souviens de m'être sentie extrêmement nauséeuse quand je lisais Andrea Dworkin, je ne pouvais pas la lire en une seule fois, c'était trop dur. Alors je faisais des pauses, je lisais autre chose, je regardais des vidéos drôles, bref, j'essayais de me changer les idées, parce que je venais de lire était assez dur à avaler. Prendre soin de soi est important et personne ne te jugera pour ça


Pour ce qui est de ton entourage, je ne pense pas être la mieux placée pour en parler, vu mes tendances de grizzli, mais je pense que malheureusement, tu n’arriveras pas à convaincre tout le monde. Il est parfois difficile pour certaines personnes de se remettre en question, mais cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas entendu ce que tu avais à dire. Il arrive que certaines personnes changent d'avis après avoir réfléchi à la discussion que tu as eue avec eux.

Prends soin de toi, d'accord ?

Moi, je suis obligée de compartimenter. Pour mon propre bien être. À un moment donné, mon féminisme devenait envahissant dans ma vie, et surtout, savoir toutes ces choses horribles ( parce qu'entre les viols, la pornographie, les FGM, le féminicide, etc, on est servies question barbaries et souffrances ) me faisait beaucoup de mal. J'avais des idées très noires, le moral à zéro. Bref mon féminisme empiétait sur mon bonheur, ce n'est pas normal.
Je suis toujours féministe, radicale, mais parfois, oui, je "débranche", je mets tout cela en pause. Je suis une personne très sensible, très empathique. J'ai vraiment besoin de moments où je ne pense plus au féminisme, même si c'est quelque chose d'important pour moi. Bon il m'arrive encore d'être très mal, notamment lorsque je lis des témoignages de victimes de trafic, de violences conjugales, de femmes sorties du monde de la pornographie... La souffrance des femmes me touchera toujours énormément.
Débrancher c'est vraiment essentiel. Regarde une série télé qui te plaît, des vidéos d'animaux mignons, cuisine un bon plat, prends un bain ou une douche relaxante, va faire une petite balade, mais vraiment, ton bien être est extrêmement important. Si tu sens que c'est trop, éloigne toi, parle en ici ou sur tumblr avec nous si tu y es

Malheureusement, convaincre les gens des méfaits de l'industrie du sexe par exemple est très difficile. Si on me demande mon avis sur le sujet, je suis honnête, j'explique mon point de vue, mais voilà, il faut aussi se protéger. On ne peut pas convaincre tout le monde...

Je suis tout à fait d'accord avec Cashmere et Litchi, il faut compartimenter. Pour la simple et bonne raison qu'il faut avoir conscience qu'on ne verra probablement pas de gros changements de notre vivant. Si on peut chacune avoir un petit impact sur une poignée de personnes, alors on aura déjà fait énormément bouger les choses. La prise de conscience est évidemment difficile, et d'autant plus quand on est si jeune. Maintenant, tu as aussi le droit de vivre. Ce que je veux dire par là c'est que le fait d'être consciente des problèmes ne doit pas te faire vivre dans une espèce d'ascèse, où tu ne peux plus rien apprécier parce que tout est problématique. Donc compartimentes, fait des pauses, autorises-toi à débrancher, et aies conscience des priorités (tout n'a pas le même niveau de gravité). Prends soin de toi et ne te mets pas trop de pression sur les épaules